ADANDOZAN
(1797-1818), le roi oblitéré de l’histoire du Danxomè
Effacé
de la généalogie des rois du Danxomè, il est décrit comme un souverain
tyrannique et sanguinaire. Qu’il nous souvienne de cette fable contée à maintes
générations d’élèves sur les bancs du primaire ; celle de la femme enceinte
qu’il ordonna d’éventrer afin de vérifier le sexe de l’enfant qu’elle portait.
Son
crime, avoir été trop progressiste pour son époque et SURTOUT, s’être opposé à
la traite négrière.
Vous
l’aurez deviné, il s’agit de ADANDOZAN aussi appelé Dada Adandozan. 9ém roi d’Abomey, il accéda au trône à la mort de
AGONGLO en 1797 et régna pendant 21 ans avant d’être victime d’un coup d’état
et destitué en 1818.
L’accession
au trône
Adandozan
de son nom de prince Akakpo était le second fils du roi Agonglo (1798-1797),
l’ainé étant Adoukonou. Mais celui-ci était né avec une infirmité (orteil mal
formé) ; ce qui l’écartait de la succession. Un autre de ses frères le prince
Gakpe, le futur Ghézo, n’avait alors que cinq ans. C’est ainsi qu’Akakpo devint
le 9ème roi d’Abomey et prit le nom de règne de ADANDOZAN qui signifie litt.
‘’La colère étalle sa natte’’.
Son
emblème était la natte, la natte de la colère et sa devise, « La colère étant
sa natte et personne ne peut la replier ». Devise qui plus tard prendra tout
son sens.
La
personnalité du roi
Comme
pour beaucoup de ses contemporain(e)s, on ne sait que peu de choses de son
enfance et de sa jeunesse.
D’après
l’héritage oral subsistant, Adandozan (encore prince Akakpo) était décrit comme
un jeune homme au caractère fort et entier, qui ne supportait pas les
compromis.
Doté
d’une grande intelligence et curieux des choses, il a côtoyé dès sa tendre
enfance de grands devins et maîtres en sciences occultes ; venus d’un peu
partout du royaume du Danxomé et de ceux voisins surtout Yorubas, ils étaient au
service du roi. De cette école d’un savoir particulier, il a acquis de grandes
connaissances ésotériques.
Tout
ceci (personnalité et connaissances) a concouru à faire de lui, un prince puis
un roi aussi craint que respecté, à l’intérieur du royaume et même au-delà.
Un
règne tumultueux
Son
règne qui s’annonça similaire à celui de bon nombre de ses prédécesseurs, fut
très tôt marqué par de nombreux désaccords avec ses contemporains.
Si
Adandozan était un souverain danxoméen à part entière bien ancré dans son
époque, il était aussi en avance sur bien de sujets, en les abordant avec une
vision neuve et ‘’moderne’’. Ce qui le mettait en déphasage avec les autres
dignitaires du royaume et a été la source de nombreux conflits qui ont fini par
menés à sa destitution.
J’en
citerai deux illustrations, parmi les plus notables.
Opposition
à la traite négrière
Allant
à l’encontre des intérêts en jeu, Adandozan s’était farouchement opposé à la
traite négrière. Non pas qu’il fut contre l’esclavage en lui-même mais, le fait
de mener des guerres afin de se procurer des captifs à vendre et qui de
surcroit seraient amenés loin des terres africaines, ne lui paraissait pas
judicieux. D’après des propos qu’on lui attribue, il pensait qu’il serait plus
profitable au Danxomé, de faire travailler ces captifs sur son sol et d’en
vendre ensuite les fruits aux marchands blancs. « Pourquoi les envoyer faire
ailleurs ce qu’ils peuvent faire, ici ? »
De
ce fait, il fit interdire en 1800, la vente d’esclaves pour la traite négrière
abolissant ainsi, ce commerce dans son royaume. Ce qui constitua au mieux un
acte téméraire et au pire une folie car, bon nombre de hauts dignitaires du
Danxomè dont des princes royaux, s’enrichissaient par ce biais.
Celui-ci
défiant son autorité, Adandozan fit emprisonner Chacha Francisco de Souza, l’un
des plus grands négriers de l’époque qui s’était installé à Ouidah. Mais, ce
dernier s’évada de sa prison avec la complicité de certains pairs du royaume et
ourdit avec eux, un complot pour le destituer et mettre à sa place le prince Gakpe, nommé alors chef
des armées et grand défenseur de la traite négrière.
D’abord
réticent à l’idée de trahir son roi, le prince Gakpe prit finalement part à la
machination après qu’Adandozan ait vendu en esclavage sa mère la reine Agontime
qui partit pour le Brésil. D’après les historiens, le but du roi était de faire
comprendre aux pro-esclavagistes, la souffrance d’être ainsi séparé de ses
proches.
Cet
acte sans précédent dans le royaume, vint s’ajouter à une autre prise de
position du souverain qui décida ses détracteurs à passer à l’action.
Rejet
des sacrifices humains
Il
faut préciser que le souverain n’a pas toujours eu ce point de vue. Il a
lui-même, dans les premières années de son règne, pratiqué ces sacrifices, avant
d’évoluer sur le sujet. Ce changement était dû selon toutes vraisemblances à
l’une de ses épouses ; une blanche ou mulâtresse aux origines portugaises ou
hollandaises (cela reste imprécis et diffère selon les auteurs), qui eut une
grande influence sur lui et l’ouvrit à certains idéaux des Lumières en vogue à
l’époque.
Pour
rappel, en ce temps, les sacrifices humains avaient pour but d’envoyer des
‘‘messagers’’ rendre compte aux ancêtres dans l’au-delà, des affaires du
royaume et de leur fournir aussi ainsi, des serviteurs. A cette fin, des
captifs de guerre étaient désignés comme tels et sacrifiés lors de cérémonies
prévues à cet effet. Mais à cette pratique qui n’avait plus ses faveurs, le roi
s’opposa et fit face à la résistance des princes et autres dignitaires de la
cour qui entendaient bien la maintenir.
Pour
mieux faire passer son message, Adandozan, argumentant que des prisonniers de
guerre maudissant le Danxomé au moment de leur mise à mort ne pouvaient rendre
compte fidèlement de la réalité des choses aux défunts dans l’au-delà. En lieu
et place des victimes habituelles, il prit quelques princes et princesses du
royaume et les sacrifia comme messagers aux ancêtres.
Si
cette pratique fut dès lors abandonnée avant de reprendre au règne suivant, il
renforça le rang de ses ennemis qui prirent la décision de l’évincer
définitivement du trône.
Le
coup d’état royal
Ne
pouvant l’assassiner, ils décidèrent de le destituer.
Mais
avant tout, il fallait faire accepter l’idée par le peuple. Pour cela, les
comploteurs répandirent au sein de la population de fausses rumeurs sur les
actions du roi et sa supposée cruauté,
afin que celle-ci lui retire son affection et son soutien. Ils firent ensuite
courir le bruit que le roi était atteint de la variole, maladie perçue alors
comme une malédiction du ‘Grand Etre’. « N’ayant plus le soutien des ancêtres
», ils se hâtèrent de procéder à sa destitution et Gakpe qui fut intronisé dans
la foulée, prit le nom de Ghézo (1818-1858). Contre toutes attentes, le roi
déchu n’opposa aucune résistance.
Interdiction
lui fut faite de porter encore son nom royal, Adandozan redevint le prince
Akakpo, et se retira définitivement des affaires royales.
La
jarre trouée d’Adandozan
Retourné
en son palais à Goho, Adandozan envoya peu de temps après à Ghézo, une jarre
percée de 41 trous. En présence du nouveau roi, les serviteurs remplirent la
jarre d’eau et le liquide resta dans son contenant durant 41 jours avant de
s’écouler. Malgré toutes les tentatives des devins pour reproduire l’exploit,
la jarre ne garda plus aucune goutte d’eau. Ghézo demanda alors à ses sujets,
de boucher les trous de leurs doigts. Les Béninois connaissent tous cette
symbolique de la jarre trouée.
Avec
Ghézo, la traite négrière reprit et fit fleurir les affaires du royaume au
détriment des peuples des royaumes voisins. Au bout de 41 ans de règne, le roi
fut blessé au cours d’une expédition guerrière à Kétou et mourut peu aprés.
Epilogue
Adandozan
survécut longtemps encore à Ghézo. Bien que retiré de la cour royale, ses
connaissances occultes étaient toujours reconnues et respectées. Il se vit
confier l’instruction d’enfants de hauts dignitaires daxoméens et d’autres
royaumes alliés. Parmi ceux-ci, deux resteront à jamais dans l’histoire du
Bénin. Il s’agit des princes Dassi et Condo, respectivement fils des rois Sodji
(1848-1864) de Hôgbonou, actuel Porto-novo, et de Glèlè (1858-1889), fils et
successeur de Ghézo. Futurs Toffa et Béhanzin, l’antagonisme entre ces deux
souverains jadis éduqués ensemble, précipita la chute de leur royaume
respectif.
De
l’année exacte de la disparition d’Adandozan, on ne sait rien. Mais le roi
d’alors Glèlè, lui fit des funérailles dignes de son rang et il fut enterré à
Abomey, comme ses pairs rois.
Dans
la volonté de faire disparaitre ce roi de la mémoire collective, toutes les
traces de son règne furent effacées, laissant un grand vide de 21 ans dans
l’histoire du royaume du Danxomé.
Mais
son souvenir perdura au sein d’autres royaumes comme celui d’Ashanti (actuel
Ghana), d’Oyo (Nigéria) et même au-delà, au Brésil.
De
nos jours, de nombreux auteurs, historiens et afro descendants brésiliens
mettent la lumière sur son règne.
Deux
cents ans après sa destitution, ils demandent le rétablissement d’Adandozan
dans la genealogie et l’histoire du royaume du Danxomè.
Source: Whatsapp
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