vendredi 30 mars 2018

ADANDOZAN (1797-1818), le roi oblitéré de l’histoire du Danxomè


ADANDOZAN (1797-1818), le roi oblitéré de l’histoire du Danxomè

Effacé de la généalogie des rois du Danxomè, il est décrit comme un souverain tyrannique et sanguinaire. Qu’il nous souvienne de cette fable contée à maintes générations d’élèves sur les bancs du primaire ; celle de la femme enceinte qu’il ordonna d’éventrer afin de vérifier le sexe de l’enfant qu’elle portait.
Son crime, avoir été trop progressiste pour son époque et SURTOUT, s’être opposé à la traite négrière.
Vous l’aurez deviné, il s’agit de ADANDOZAN aussi appelé Dada Adandozan. 9ém  roi d’Abomey, il accéda au trône à la mort de AGONGLO en 1797 et régna pendant 21 ans avant d’être victime d’un coup d’état et destitué en 1818.

L’accession au trône

Adandozan de son nom de prince Akakpo était le second fils du roi Agonglo (1798-1797), l’ainé étant Adoukonou. Mais celui-ci était né avec une infirmité (orteil mal formé) ; ce qui l’écartait de la succession. Un autre de ses frères le prince Gakpe, le futur Ghézo, n’avait alors que cinq ans. C’est ainsi qu’Akakpo devint le 9ème roi d’Abomey et prit le nom de règne de ADANDOZAN qui signifie litt. ‘’La colère étalle sa natte’’.
Son emblème était la natte, la natte de la colère et sa devise, « La colère étant sa natte et personne ne peut la replier ». Devise qui plus tard prendra tout son sens.

La personnalité du roi

Comme pour beaucoup de ses contemporain(e)s, on ne sait que peu de choses de son enfance et de sa jeunesse.
D’après l’héritage oral subsistant, Adandozan (encore prince Akakpo) était décrit comme un jeune homme au caractère fort et entier, qui ne supportait pas les compromis. 
Doté d’une grande intelligence et curieux des choses, il a côtoyé dès sa tendre enfance de grands devins et maîtres en sciences occultes ; venus d’un peu partout du royaume du Danxomé et de ceux voisins surtout Yorubas, ils étaient au service du roi. De cette école d’un savoir particulier, il a acquis de grandes connaissances ésotériques.
Tout ceci (personnalité et connaissances) a concouru à faire de lui, un prince puis un roi aussi craint que respecté, à l’intérieur du royaume et même au-delà.

Un règne tumultueux

Son règne qui s’annonça similaire à celui de bon nombre de ses prédécesseurs, fut très tôt marqué par de nombreux désaccords avec ses contemporains.
Si Adandozan était un souverain danxoméen à part entière bien ancré dans son époque, il était aussi en avance sur bien de sujets, en les abordant avec une vision neuve et ‘’moderne’’. Ce qui le mettait en déphasage avec les autres dignitaires du royaume et a été la source de nombreux conflits qui ont fini par menés à sa destitution.
J’en citerai deux illustrations, parmi les plus notables.

Opposition à la traite négrière

Allant à l’encontre des intérêts en jeu, Adandozan s’était farouchement opposé à la traite négrière. Non pas qu’il fut contre l’esclavage en lui-même mais, le fait de mener des guerres afin de se procurer des captifs à vendre et qui de surcroit seraient amenés loin des terres africaines, ne lui paraissait pas judicieux. D’après des propos qu’on lui attribue, il pensait qu’il serait plus profitable au Danxomé, de faire travailler ces captifs sur son sol et d’en vendre ensuite les fruits aux marchands blancs. « Pourquoi les envoyer faire ailleurs ce qu’ils peuvent faire, ici ? »
De ce fait, il fit interdire en 1800, la vente d’esclaves pour la traite négrière abolissant ainsi, ce commerce dans son royaume. Ce qui constitua au mieux un acte téméraire et au pire une folie car, bon nombre de hauts dignitaires du Danxomè dont des princes royaux, s’enrichissaient par ce biais.
Celui-ci défiant son autorité, Adandozan fit emprisonner Chacha Francisco de Souza, l’un des plus grands négriers de l’époque qui s’était installé à Ouidah. Mais, ce dernier s’évada de sa prison avec la complicité de certains pairs du royaume et ourdit avec eux, un complot pour le destituer et mettre  à sa place le prince Gakpe, nommé alors chef des armées et grand défenseur de la traite négrière.
D’abord réticent à l’idée de trahir son roi, le prince Gakpe prit finalement part à la machination après qu’Adandozan ait vendu en esclavage sa mère la reine Agontime qui partit pour le Brésil. D’après les historiens, le but du roi était de faire comprendre aux pro-esclavagistes, la souffrance d’être ainsi séparé de ses proches.
Cet acte sans précédent dans le royaume, vint s’ajouter à une autre prise de position du souverain qui décida ses détracteurs à passer à l’action.

Rejet des sacrifices humains

Il faut préciser que le souverain n’a pas toujours eu ce point de vue. Il a lui-même, dans les premières années de son règne, pratiqué ces sacrifices, avant d’évoluer sur le sujet. Ce changement était dû selon toutes vraisemblances à l’une de ses épouses ; une blanche ou mulâtresse aux origines portugaises ou hollandaises (cela reste imprécis et diffère selon les auteurs), qui eut une grande influence sur lui et l’ouvrit à certains idéaux des Lumières en vogue à l’époque.
Pour rappel, en ce temps, les sacrifices humains avaient pour but d’envoyer des ‘‘messagers’’ rendre compte aux ancêtres dans l’au-delà, des affaires du royaume et de leur fournir aussi ainsi, des serviteurs. A cette fin, des captifs de guerre étaient désignés comme tels et sacrifiés lors de cérémonies prévues à cet effet. Mais à cette pratique qui n’avait plus ses faveurs, le roi s’opposa et fit face à la résistance des princes et autres dignitaires de la cour qui entendaient bien la maintenir.
Pour mieux faire passer son message, Adandozan, argumentant que des prisonniers de guerre maudissant le Danxomé au moment de leur mise à mort ne pouvaient rendre compte fidèlement de la réalité des choses aux défunts dans l’au-delà. En lieu et place des victimes habituelles, il prit quelques princes et princesses du royaume et les sacrifia comme messagers aux ancêtres.
Si cette pratique fut dès lors abandonnée avant de reprendre au règne suivant, il renforça le rang de ses ennemis qui prirent la décision de l’évincer définitivement du trône.

Le coup d’état royal

Ne pouvant l’assassiner, ils décidèrent de le destituer.
Mais avant tout, il fallait faire accepter l’idée par le peuple. Pour cela, les comploteurs répandirent au sein de la population de fausses rumeurs sur les actions du roi  et sa supposée cruauté, afin que celle-ci lui retire son affection et son soutien. Ils firent ensuite courir le bruit que le roi était atteint de la variole, maladie perçue alors comme une malédiction du ‘Grand Etre’. « N’ayant plus le soutien des ancêtres », ils se hâtèrent de procéder à sa destitution et Gakpe qui fut intronisé dans la foulée, prit le nom de Ghézo (1818-1858). Contre toutes attentes, le roi déchu n’opposa aucune résistance.
Interdiction lui fut faite de porter encore son nom royal, Adandozan redevint le prince Akakpo, et se retira définitivement des affaires royales.

La jarre trouée d’Adandozan

Retourné en son palais à Goho, Adandozan envoya peu de temps après à Ghézo, une jarre percée de 41 trous. En présence du nouveau roi, les serviteurs remplirent la jarre d’eau et le liquide resta dans son contenant durant 41 jours avant de s’écouler. Malgré toutes les tentatives des devins pour reproduire l’exploit, la jarre ne garda plus aucune goutte d’eau. Ghézo demanda alors à ses sujets, de boucher les trous de leurs doigts. Les Béninois connaissent tous cette symbolique de la jarre trouée.
Avec Ghézo, la traite négrière reprit et fit fleurir les affaires du royaume au détriment des peuples des royaumes voisins. Au bout de 41 ans de règne, le roi fut blessé au cours d’une expédition guerrière à Kétou et mourut peu aprés.

Epilogue

Adandozan survécut longtemps encore à Ghézo. Bien que retiré de la cour royale, ses connaissances occultes étaient toujours reconnues et respectées. Il se vit confier l’instruction d’enfants de hauts dignitaires daxoméens et d’autres royaumes alliés. Parmi ceux-ci, deux resteront à jamais dans l’histoire du Bénin. Il s’agit des princes Dassi et Condo, respectivement fils des rois Sodji (1848-1864) de Hôgbonou, actuel Porto-novo, et de Glèlè (1858-1889), fils et successeur de Ghézo. Futurs Toffa et Béhanzin, l’antagonisme entre ces deux souverains jadis éduqués ensemble, précipita la chute de leur royaume respectif.

De l’année exacte de la disparition d’Adandozan, on ne sait rien. Mais le roi d’alors Glèlè, lui fit des funérailles dignes de son rang et il fut enterré à Abomey, comme ses pairs rois.
Dans la volonté de faire disparaitre ce roi de la mémoire collective, toutes les traces de son règne furent effacées, laissant un grand vide de 21 ans dans l’histoire du royaume du Danxomé.
Mais son souvenir perdura au sein d’autres royaumes comme celui d’Ashanti (actuel Ghana), d’Oyo (Nigéria) et même au-delà, au Brésil.
De nos jours, de nombreux auteurs, historiens et afro descendants brésiliens mettent la lumière sur son règne.
Deux cents ans après sa destitution, ils demandent le rétablissement d’Adandozan dans la genealogie et l’histoire du royaume du Danxomè.

Source: Whatsapp

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