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Comment le Bénin cesse d‘être une terre humaine
(Par Roger Gbégnonvi)
Hier les belles âmes du Bénin ont fustigé la décision de libérer les espaces publics de leurs installations anarchiques et illégales. Aujourd’hui elles sont effarouchées que l’on demande aux mendiants de ne pas s’étaler sur les bords des voies. Hier et aujourd’hui, elles ont un alibi : ‘‘Sans mesure d’accompagnement social ?’’ De crier haro sur le baudet gouvernemental ne nous exonère pourtant pas d’avoir contribué à transformer le Bénin en zone de nœuds de vipères et d’écuries d’Augias, dont voici trois lieux des plus puants.
La jeune dame, fonctionnaire de l’Etat, est souvent évacuée sanitaire, aux frais de l’Etat, pour un mal grave et récurrent. Après l’hospitalisation, les semaines de suivi sont à sa charge, ce qui l’amène à ruiner ses économies, celles du mari et de leurs parents, rien n’étant gratuit à Paris. Or elle finit par apprendre que la partie post-hospitalisation est aussi comprise dans les frais d’évacuation, mais que cette partie est détournée par un autre fonctionnaire de l’Etat. Des trois ministres saisis par courrier, un seul répond par courrier qu’il connaît l’affaire et s’en occupe. Avant d’obtenir gain de cause, la jeune dame a rendu l’âme lors d’une énième évacuation. Mais à l’instant ultime, elle a envoyé sous pli fermé, à ceux qui ont essayé de l’aider, un nom précis dans un ministère précis. S’adressant aux institutions et pas aux individus, Transparency International-Bénin gardera le secret à vie. Mais elle prévient que le Bénin cesse d’être une terre humaine si, dans les trois ministères concernés, les bien-portants continuent de s’engraisser sur le dos des malades à évacuer.
Par an, l’Etat béninois met 800.000 f CFA à la disposition de la léproserie de Ouidah, où ils sont encore une vingtaine de malades à lutter contre la destruction systématique de leur corps par le bacille de Hansen. Depuis quelque temps, la subvention de l’Etat ne leur parvient plus. On raconte que le fonctionnaire de l’Etat qui, à l’hôpital de zone de la ville, la subtiliserait, est coutumier de telles soustractions à des niveaux divers. Il en retire sans doute une grosse satisfaction personnelle en termes de maisons rutilantes, de voitures mirifiques et de maîtresses scintillantes. Mais quand ce délire s’obtient en partie sur le dos des lépreux au visage ravagé et dont les membres supérieurs et inférieurs menacent ruine, c’est le Bénin qui se fabrique son nœud de vipères et qui cesse d’être une terre humaine.
De connivence avec son jeune frère, qu’il a nommé à la régie financière de la Commune, un maire, récemment évincé, a laissé siphonner en trois ans 134.000.000 f CFA sur le dos des gisants du nouveau cimetière, pendant qu’il laissait ceux de l’ancien cimetière au milieu d’une forêt touffue, voisins immédiats du ‘‘Point de regroupement des déchets solides ménagers’’. Proximité impie. Hors de nos extravagances habituelles en matière de culte des morts, nous devons à nos disparus le respect le plus strict. Et ce n’est pas les respecter que de livrer les uns aux chiendents et de s’enrichir au détriment des autres et de tous en détournant l’argent destiné à rendre leur repos digne, propre, et décent. Quand on se met à voler les morts sans défense, c’est le Bénin qui cesse d’être une terre humaine.
Lorsque, au moral, nous accumulons ainsi vilenies et saloperies, vacheries et cochonneries, nous régressons vers la bête et faisons du Bénin une zone propice aux vipères et aux écuries d’Augias, nous faisons du Bénin une terre qui cesse d’être humaine. Il devient alors cynique d’accuser X ou Y de n’avoir pas envisagé d’atténuer tel effort exigé de propreté physique pouvant amener, il faut l’espérer, à une certaine propreté morale. Le mal moral qui déshumanise nos consciences est plus dévastateur que le bacille de Hansen qui défigure le corps physique des lépreux. Réfléchir donc en silence à quoi faire pour arrêter la dérive de nos existences. En silence. Ne parler que si l’on a des mots plus forts que le silence.
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