Abus d’autorité et coups mortels
 Par
Didier Pascal DOGUE

Il a posé des actes d’abus d’autorité et porté des coups et
blessures volontaires dans l’exercice de ses fonctions et en répond. Il s'agit
de Rodrigue Ayigo, fonctionnaire de police, qui a comparu, ce mercredi 25
avril, lors de l’examen du dix-septième dossier inscrit au rôle de la cour
d’assises de la cour d’appel de Cotonou au titre de la première session de
l’année 2018. Il a été condamné à 7 ans de travaux forcés. L’examen des
intérêts civils est renvoyé à la prochaine session.
Sept ans de travaux forcés pour avoir abusé de son autorité
et porté des coups mortels. Tel est le verdict retenu suite à l’examen du
dix-septième dossier inscrit à son rôle pour le compte de la première session
de l’année 2018.
Répondant aux questions du président de la cour, il a
reconnu avoir porté des coups à Osséni Ibrahim, la victime, mais sans aucune
intention de lui donner la mort. Après l’arrestation de la victime intervenue,
le vendredi 4 décembre 2015, il lui aurait porté des coups le dimanche 6
décembre. Rodrigue Ayigo déclare qu’il ne saurait expliquer ce qui s’est passé
entre le 4 et le 6 décembre.
C’est une longue liste de témoins qui a défilé les uns à
charge, essentiellement les parents de la victime ; les autres à décharge,
notamment les collègues de l’accusé.
Le commissaire Aurélien Aïtchémé, responsable de l’unité à
l’époque des faits, a expliqué comment son collaborateur exerce les tâches qui
lui sont dévolues en agent dévoué et l’usage qui est fait du matériel de
travail. Pour lui, l’usage de la matraque peut causer des dommages aux parties
corporelles non charnues.
Ses collègues moins gradés témoignant à décharge ont
également fait l’éloge de Rodrigue Ayigo comme le plus serviable des
fonctionnaires de police de l’unité.
Pour les autres témoins constitués des parents de la victime
et de Charles Gonçalvès, un commerçant qui partageait la même cellule que la
victime au moment des faits, il est ressorti que l’infortuné avait prévenu le
policier des déconvenues qui allaient lui être imputées suite à ses actes.
Pour le compte de la partie civile, Me Paul Kato Atita
souligne qu’il n’y a pas de doute que Rodrigue Ayigo se soit servi de sa
qualité, de ses attributs pour nuire à la victime. Il devait représenter vivant
et sain celui dont on lui a confié la garde. Il en déduit que l’accusé est
coupable des faits mis à sa charge. Les débats ont révélé des actes matériels
et positifs qui constituent les coups mortels portés à Osséni Ibrahim. Il en
déduit que le doute doit être écarté et que l’accusé a agi en pleine connaissance
de cause. « Il a attendu un moment où tous ses collègues sont partis des lieux
pour agir », déclare Me Paul Kato Atita se servant des dépositions de Charles
Gonçalvès.
Une position de la partie civile qui n’a pas inspiré le
ministère public au cours de ses réquisitions quand bien même elle s’y
apparente.
Le ministère public expose qu’il est parfois difficile de
s’acquitter de certaines missions surtout lorsqu’il s’agit de juger un
collaborateur. Il affirme que le défaut de contrôle de soi et l’abus d’autorité
se sont mêlés, à l’appréciation du dix-septième dossier inscrit au rôle de la
cour.
Sous le coup de la loi
La déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte
africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Constitution du Bénin interdisent
de donner la mort ou de poser des actes qui y conduisent. Après avoir rappelé
les faits, l’avocat général déduit que lesdits faits tombent sous le coup de la
loi.
L’accusé a reconnu les faits à toutes les étapes : « Je
reconnais avoir porté des coups, je ne peux l’expliquer ». Les témoignages sont
constants, ajoute le ministère public, mais l’intention de donner la mort fait
défaut. Il fait allusion aux rapports qui ont été lus, à savoir le rapport
d’autopsie qui a signalé de nombreuses lésions cutanées, les unes
superficielles, les autres en voie de cicatrisation, à la tête, au front et au
dos. Les lésions seraient dues au traumatisme par un objet contondant.
Le ministère public retient qu’il existe un lien de
causalité entre les coups portés à la victime et le décès de celui-ci.
Cependant, il fait observer que la victime couvait une affection pulmonaire au
poumon gauche. « Si sa responsabilité est partielle, les coups mortels sont
constitués. Il requiert alors de condamner l’accusé à dix ans de travaux
forcés, tout en demandant à la cour de ne pas perdre de vue sa qualité de
délinquant primaire, d’agent dévoué en lui faisant bénéficier de larges
circonstances atténuantes.
« J’éprouve également une grande difficulté à plaider en
faveur d’un ancien collègue. Ce qui est arrivé aurait pu ou dû être évité mais
le destin y est passé », a déclaré Me Moustafa Issiaka. Il a loué la
clairvoyance du ministère public qui n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au
bout. « C’est à cela que je vais vous convier ; je plaiderai coupable non pas
pour les coups mortels », a fait remarquer la défense. Il a demandé de
disqualifier les coups mortels en coups et blessures simples d’une part et
promis de faire valoir des circonstances atténuantes d’autre part. Il a rappelé
les faits et s’est appesanti sur la disqualification. Avant qu’on ne parle des
coups mortels, il faut que les coups entrainent des blessures. « Il revient à
la partie poursuivante de montrer que les coups ont entraîné la mort »,
soutient la défense. Il prie alors la cour d’examiner le dossier avec beaucoup
de circonspection. Pour Me Moustafa Issiaka, rien n’indique dans le dossier que
ce sont les coups du 4 décembre qui ont entraîné la mort d’Osséni Ibrahim.
La matraque, précise la défense, est conçue pour disperser
les manifestants, mais pas pour tuer. Il plaide la disqualification sur la base
des articles 249 du Code de procédure pénale qui confère à la cour d’assises la
plénitude de juridiction.
Par ailleurs, il y a eu provocation à l’origine et il invoque
l’application des articles 321 et 326 du Code de procédure pénale. Il y a eu
des répliques en série.
La cour s’est retirée. Après délibérations, elle a condamné
l’accusé à 7 ans de travaux forcés.
S’étant retirée pour statuer sur les intérêts civils après
la présentation de Me Paul Kato Atita pour la partie civile, la cour renvoie
leur examen à la prochaine session des assises.
Composition de la cour :
Président : Georges Toumatou
Assesseurs: Jean da Silva
Ferdinand Dégbèlo
Jurés : Pierre Magloire Nagnonhou, Andréa Bachioumba,
Coomlan Paul Nankpon, Louis Comlan Houndonougbo.
Ministère public : Florentin Gbodou
Greffier : Théogène Zountchékon
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