jeudi 26 avril 2018

Pour coups et blessures/Un policier condamné à 7 ans de travaux forcés

Abus d’autorité et coups mortels

Le policier Rodrigue Ayigo condamné à 7 ans de travaux forcés

Par Didier Pascal DOGUE


Il a posé des actes d’abus d’autorité et porté des coups et blessures volontaires dans l’exercice de ses fonctions et en répond. Il s'agit de Rodrigue Ayigo, fonctionnaire de police, qui a comparu, ce mercredi 25 avril, lors de l’examen du dix-septième dossier inscrit au rôle de la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou au titre de la première session de l’année 2018. Il a été condamné à 7 ans de travaux forcés. L’examen des intérêts civils est renvoyé à la prochaine session.

Sept ans de travaux forcés pour avoir abusé de son autorité et porté des coups mortels. Tel est le verdict retenu suite à l’examen du dix-septième dossier inscrit à son rôle pour le compte de la première session de l’année 2018.

Répondant aux questions du président de la cour, il a reconnu avoir porté des coups à Osséni Ibrahim, la victime, mais sans aucune intention de lui donner la mort. Après l’arrestation de la victime intervenue, le vendredi 4 décembre 2015, il lui aurait porté des coups le dimanche 6 décembre. Rodrigue Ayigo déclare qu’il ne saurait expliquer ce qui s’est passé entre le 4 et le 6 décembre.
C’est une longue liste de témoins qui a défilé les uns à charge, essentiellement les parents de la victime ; les autres à décharge, notamment les collègues de l’accusé.
Le commissaire Aurélien Aïtchémé, responsable de l’unité à l’époque des faits, a expliqué comment son collaborateur exerce les tâches qui lui sont dévolues en agent dévoué et l’usage qui est fait du matériel de travail. Pour lui, l’usage de la matraque peut causer des dommages aux parties corporelles non charnues.
Ses collègues moins gradés témoignant à décharge ont également fait l’éloge de Rodrigue Ayigo comme le plus serviable des fonctionnaires de police de l’unité.
Pour les autres témoins constitués des parents de la victime et de Charles Gonçalvès, un commerçant qui partageait la même cellule que la victime au moment des faits, il est ressorti que l’infortuné avait prévenu le policier des déconvenues qui allaient lui être imputées suite à ses actes.
Pour le compte de la partie civile, Me Paul Kato Atita souligne qu’il n’y a pas de doute que Rodrigue Ayigo se soit servi de sa qualité, de ses attributs pour nuire à la victime. Il devait représenter vivant et sain celui dont on lui a confié la garde. Il en déduit que l’accusé est coupable des faits mis à sa charge. Les débats ont révélé des actes matériels et positifs qui constituent les coups mortels portés à Osséni Ibrahim. Il en déduit que le doute doit être écarté et que l’accusé a agi en pleine connaissance de cause. « Il a attendu un moment où tous ses collègues sont partis des lieux pour agir », déclare Me Paul Kato Atita se servant des dépositions de Charles Gonçalvès.
Une position de la partie civile qui n’a pas inspiré le ministère public au cours de ses réquisitions quand bien même elle s’y apparente.
Le ministère public expose qu’il est parfois difficile de s’acquitter de certaines missions surtout lorsqu’il s’agit de juger un collaborateur. Il affirme que le défaut de contrôle de soi et l’abus d’autorité se sont mêlés, à l’appréciation du dix-septième dossier inscrit au rôle de la cour.

Sous le coup de la loi

La déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et la Constitution du Bénin interdisent de donner la mort ou de poser des actes qui y conduisent. Après avoir rappelé les faits, l’avocat général déduit que lesdits faits tombent sous le coup de la loi.
L’accusé a reconnu les faits à toutes les étapes : « Je reconnais avoir porté des coups, je ne peux l’expliquer ». Les témoignages sont constants, ajoute le ministère public, mais l’intention de donner la mort fait défaut. Il fait allusion aux rapports qui ont été lus, à savoir le rapport d’autopsie qui a signalé de nombreuses lésions cutanées, les unes superficielles, les autres en voie de cicatrisation, à la tête, au front et au dos. Les lésions seraient dues au traumatisme par un objet contondant.
Le ministère public retient qu’il existe un lien de causalité entre les coups portés à la victime et le décès de celui-ci. Cependant, il fait observer que la victime couvait une affection pulmonaire au poumon gauche. « Si sa responsabilité est partielle, les coups mortels sont constitués. Il requiert alors de condamner l’accusé à dix ans de travaux forcés, tout en demandant à la cour de ne pas perdre de vue sa qualité de délinquant primaire, d’agent dévoué en lui faisant bénéficier de larges circonstances atténuantes.
« J’éprouve également une grande difficulté à plaider en faveur d’un ancien collègue. Ce qui est arrivé aurait pu ou dû être évité mais le destin y est passé », a déclaré Me Moustafa Issiaka. Il a loué la clairvoyance du ministère public qui n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout. « C’est à cela que je vais vous convier ; je plaiderai coupable non pas pour les coups mortels », a fait remarquer la défense. Il a demandé de disqualifier les coups mortels en coups et blessures simples d’une part et promis de faire valoir des circonstances atténuantes d’autre part. Il a rappelé les faits et s’est appesanti sur la disqualification. Avant qu’on ne parle des coups mortels, il faut que les coups entrainent des blessures. « Il revient à la partie poursuivante de montrer que les coups ont entraîné la mort », soutient la défense. Il prie alors la cour d’examiner le dossier avec beaucoup de circonspection. Pour Me Moustafa Issiaka, rien n’indique dans le dossier que ce sont les coups du 4 décembre qui ont entraîné la mort d’Osséni Ibrahim.
La matraque, précise la défense, est conçue pour disperser les manifestants, mais pas pour tuer. Il plaide la disqualification sur la base des articles 249 du Code de procédure pénale qui confère à la cour d’assises la plénitude de juridiction.
Par ailleurs, il y a eu provocation à l’origine et il invoque l’application des articles 321 et 326 du Code de procédure pénale. Il y a eu des répliques en série.
La cour s’est retirée. Après délibérations, elle a condamné l’accusé à 7 ans de travaux forcés.
S’étant retirée pour statuer sur les intérêts civils après la présentation de Me Paul Kato Atita pour la partie civile, la cour renvoie leur examen à la prochaine session des assises.

Composition de la cour :
Président : Georges Toumatou
Assesseurs: Jean da Silva
Ferdinand Dégbèlo
Jurés : Pierre Magloire Nagnonhou, Andréa Bachioumba, Coomlan Paul Nankpon, Louis Comlan Houndonougbo.

Ministère public : Florentin Gbodou
Greffier : Théogène Zountchékon


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